La question du patrimoine sportif se situe au croisement de différentes réflexions, du « Patrimoine du XXe siècle » au « patrimoine immatériel ». Il se présente comme pluriel et hétéroclite, se comprenant à différentes échelles et regroupant à la fois des pratiques, des techniques, des objets (tenues de sport, tableaux et sculptures) et des ensembles architecturaux. Mais le patrimoine sportif semble surtout indissociable de l’idée d’évènement, et de la manière dont celui-ci peut impacter l’histoire et les mémoires – que l’on pense à de grands évènements comme les Jeux Olympiques ou les Coupes du monde de football, à des exploits, des innovations, ou encore des faits marquants.
Cette importance de l’évènement confère au patrimoine sportif, et notamment en ce qui concerne les ensembles architecturaux, un caractère éphémère et délimité dans le temps. Ce caractère éphémère est lié à l’évolution des sports autant que des loisirs et des « effets de mode » associés, si l’on pense par exemple aux courses hippiques tombées en désuétude. Mais il est encore plus vrai lorsque le sport est en étroite corrélation avec l’évolution des techniques et les progrès en ingénierie, comme c’est le cas des sports automobiles. Dès lors, le patrimoine sportif pause la question de l’après : que faire de ces structures qui ne sont plus utilisées et laissées à l’abandon après la fin de l’évènement ? C’est une question que l’on peut adresser aux grands équipements construits à l’occasion des Jeux Olympiques, mais aussi dans le cas d’évènements plus confidentiels.
Par ailleurs, l’évènement sportif est régulièrement l’occasion d’expérimenter avec les matériaux ou les modes de construction afin de répondre à des programmes nécessitant parfois de grandes portées ou des dimensions atypiques. De ce fait, les ensembles bâti associés peuvent être considérés comme des édifices remarquables en termes architecturaux et technique et c’est le cas de deux concours auxquels a pris part Camille Salomon, en collaboration avec Valentin Cordebar.
Le circuit AVUS de Berlin a été le témoin de nombreuses courses automobiles, dont des prouesses de techniques et de vitesse, mais également de graves accidents. L’hippodrome Krieau de Vienne, quant à lui, est un lieu célèbre pour ses courses hippiques depuis son inauguration en 1878. L’un des points communs de ces deux champs de course est leurs tribunes, qui jadis accueillaient un large public mais se trouvent désormais vides, laissées à l’abandon. Ces structures sont représentatives à la fois d’un moment particulier dans l’histoire, d’une époque où l’évènement sportif faisait se déplacer les foules, ainsi que d’un usage précis. Parmi les premières constructions en béton armé, elles ont aussi été l’occasion d’expérimenter avec ce nouveau matériau : construites entre 1911 et 1913, les tribunes de l’hippodrome conçues par les architectes autrichiens Emil Hoppe, Marcel Kammerer et Otto Schönthal associent le béton armé à l’esthétique art déco. Enfin, de dimensions spécifiques – très longues vis-à-vis de leur largeur – elles se replacent dans le contexte singulier de grandes étendues planes excentrées par rapport au cœur de ville. La Tribune de l’AVUS fait désormais face à une autoroute, tandis que celles de Krieau s’inscrivent dans un quartier en pleine transformation.
Penser la rénovation, la réhabilitation ou la transformation de ces structures nécessite alors de prendre en compte l’ensemble de ces paramètres afin d’imaginer un nouvel usage. Ce sont deux directions différentes qui ont été prises concernant les projets des tribunes. Dans le cas de Vienne, il s’agissait d’accompagner le développement du quartier en réfléchissant aux possibilités de transformer les tribunes en bureaux et en logements. Les solutions proposées tiennent compte des spécificités de chacune des deux tribunes pour adapter au mieux les structures. Dans le cas de Berlin, la démarche fut différente. Elle était aussi l’occasion de construire un imaginaire rejoignant le caractère expérimental de certains lieux de cette ville chargée d’histoire, mais aussi s’inscrivant dans la continuité de l’évènement et du patrimoine sportif de la tribune. Dans le projet de piscine municipale imaginé, la tribune n’est plus un point duquel on regarde la course mais accueille directement celle-ci. L’idée d’un bassin de 240m de long rend hommage aux performances hors normes des coureurs automobiles d’alors autant qu’aux performances techniques de construction d’un édifice atypique. Le patrimoine bâti constitué par les gradins, quant à lui, est révélé dans le miroitement de l’eau tout en étant offert un nouvel usage. C’est une proposition qui se veut manifeste, en mettant en scène une radicalité faisant converger divers récits et strates historiques.
Le traitement des tribunes a été pensé également en termes d’intervention minimum. Les structures en béton et leur caractère patrimonial sont conservés alors que des éléments précis sont identifiés pour être démantelés. L’intervention sur ces éléments architecturaux tient dès lors plus de la déconstruction, du désassemblage que de la démolition. Les solutions pour insérer les nouvelles circulations verticales sont aussi étudiées avec précisions pour prendre soin de l’existant en limitant au maximum les modifications des structures. Les éléments ajoutés sont légers - structures métalliques ou bois - pour venir composer avec les gradins et mettre en valeur par contraste le béton du XXe siècle.
Les transformations pensées permettent aussi de tenir compte de l’ensemble des surfaces des tribunes. L’espace sous les gradins est reconverti, il n’est plus considéré comme un espace résiduel mais exploité pour les besoins de la nouvelle programmation. Dans le cas de la piscine, il permet d’accueillir des équipements techniques mais aussi des vestiaires et pédiluves qui forment un seuil et un lieu de préparation avant d’accéder aux bassins à l’étage. Dans le cas des bureaux et logements, la volumétrie singulière et atypique de cet espace permet d’imaginer des usages différents et variés comme des salles d’exposition ou des ateliers d’artistes.
Si les projets de Camille Salomon et Valentin Cordebar sont restés de l’ordre du concours d’idée, les tribunes ont tout de même donné lieu à de très récentes réhabilitations par différents architectes, révélant alors d’autres problématiques à la transformation de ce patrimoine sportif. Ainsi, la tribune de l’AVUS à Berlin est actuellement en chantier pour être restaurée et transformée en partie en espace d’exposition de voitures anciennes. Les tribunes de l’hippodrome de Vienne, quant à elles, sont réhabilitées et associées de deux grandes extensions afin d’accueillir de nouveaux bureaux pour le promoteur immobilier Value One ainsi que pour Red Bull Media. Elles ont été livrées en juin 2021. On peut voir à travers ces projets la manière dont les concours d’idée infusent dans les réalisations construites, qu’il s’agisse de choix de programmation ou de réhabilitation. Ces différents projets (réalisés ou non) témoignent des solutions diverses qui peuvent être apportées aux problématiques de transformation que posent le patrimoine sportif du XXe siècle des tribunes à gradins.
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